FDD-LR : une alliance de longue date avec NKONA

Les pays de la région des Grands Lacs et la communauté internationale qui ont parrainé l’Accord de cessez-le-feu de Lusaka signé le 10.07.1999 ont été incapables de neutraliser les « forces négatives » énumérées dans l’article 9.1 de ce document et de les traduire en justice.

Les signataires de cet Accord de cessez-le-feu resté lettre morte ne peuvent pas feindre aujourd’hui d’être surpris par la coalition des armées congolaise, burundaise et le FDLR pour combattre ensemble dans le Sud Kivu, dans le Nord Kivu et pour déclarer la guerre au Rwanda.

De ce fait, le CNDD-FDD n’aurait jamais dû être autorisé à participer à des élections démocratiques. Cependant, comme les rébellions et l’armée burundaise se jetaient à la figure des crimes de génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre commis concomitamment par les uns et les autres au cours de toutes les guerres civiles depuis octobre 1965, aucune force des Nations Unies, de l’Union Africaine ou de la Communauté Est-Africaine ne pouvait intervenir pour empêcher le CNDD-FDD de présenter leur candidat, Pierre Nkurunziza, au vote des Députés de l’Assemblée Nationale pour le premier mandat et au scrutin universel pour le deuxième et le troisième mandat illégal.

Ni l’Accord de Paix et de Réconciliation d’Arusha, ni les Accords de cessez-le-feu de Pretoria et Dar-es-Salam n’ont d’ailleurs fait barrage aux forces négatives pour les empêcher de se présenter aux élections démocratiques. Celles-ci ont profité de fait d’une impunité perpétuelle.

C’est d’ailleurs pour cette raison qu’en 2014, le régime DD a refusé catégoriquement la constitution d’un Tribunal Pénal Spécial pour le Burundi prévu pourtant dans l’Accord d’Arusha et pour lequel les Nations Unies essayaient de plaider vainement. Cette organisation internationale s’est heurté au refus net du gouvernement de Pierre Nkurunziza représenté par Mme Clotilde Niragira, alors Ministre de la Justice.

En 2005, le CNDD-FDD a accédé au pouvoir au Burundi et ce malgré de multiples présomptions de crimes de génocide ou de crimes contre l’humanité que cette rébellion a commis et revendiqués. Accepter la constitution d’un Tribunal Pénal Spécial au Burundi aurait été suicidaire. Car, ce Tribunal aurait pu juger les chefs du régime DD pour les innombrables crimes commis pendant la période de la rébellion notamment.

Au Petit Séminaire de Buta, le mercredi matin, le 30 avril 1997, 40 séminaristes ont été fusillés dans leur dortoir parce qu’ils avaient refusé de se scinder en groupes de Hutu et de Tutsi. Dans la plantation de thé de Teza, en date du 05.07.1996, 22 victimes Tutsi ont été massacrées dont plusieurs femmes et enfants. Enfin au camp de déplacés de Bugendana, dans la nuit du 20 au 21 juillet 1996, 648 Tutsi ont été sauvagement massacrés. Tous ces crimes ont été revendiqués par le CNDD-FDD.

Par ailleurs, le FDLR, issu des ex-FAR rwandaises et Interahamwe, n’a jamais été jugé, non plus, alors qu’il est classé parmi « les génocidaires » selon la formulation de l’article 9.2 du même Accord de cessez-le-feu de Lusaka.

Une alliance formelle entre le FDD et le FDLR s’est forgée depuis 2006, l’année qui a suivi l’arrivée au pouvoir de CNDD-FDD. Un ancien Parlementaire DD a révélé qu’un accord d’importation des armes par le Burundi et pour le compte du FDLR aurait été conclu entre une délégation du FDLR et trois personnalités éminentes au sein du Gouvernement burundais de l’époque. A savoir Pierre Nkurunziza, Adolphe Nshimirimana et Alain Guillaume Bunyoni.

En contrepartie d’un véritable trésor, 85 kg d’or payés par le FDLR, le Gouvernement burundais aurait accepté d’importer des armes qu’il devait remettre ensuite au FDLR. Alain Guillaume Bunyoni, Ministre de la Sécurité, aurait été chargé d’importer ces armes. M.Ernest Manirumva, Vice-président de l’OLUCOME, une ONG qui lutte contre la corruption au Burundi, enquêtait sur ces livraisons d’armes secrètes destinées au FDLR quand il a été sauvagement assassiné.

Tous ces faits sont évidemment à prendre au conditionnel. Car la justice burundaise n’a jamais voulu enquêter sur ces crimes pourtant extrêmement graves. Les personnes encore vivantes impliquées dans ce partenariat FDD & FDLR jouissent évidemment de leur présomption d’innocence. Tant que la justice burundaise ou internationale n’auront pas établi leurs responsabilités criminelles et ne les aura pas jugées et condamnées.

Pour faire plus simple et plus court, l’alliance FDD & FDLR devrait porter le nom commun de « FDD-LR ». Leur alliance est aujourd’hui assumée et elle repose sur trois piliers : une idéologie commune, la fourniture d’armes et le partage des bénéfices de l’exploitation sauvage des ressources minières de RDC.

Au chapitre de l’idéologie, la constitution d’un empire bantu qui doit anéantir un supposé empire Hima, donc Tutsi, et dont Bujumbura serait la capitale, permet de comprendre la formation de cette alliance qui, en effet, devrait être désigné désormais par ce nom commun « FDD-LR » !

Parmi les multiples non-dits des trois guerres dans lesquelles le Burundi est engagé au Sud Kivu, au Nord Kivu et contre le Rwanda, figure précisément l’objectif de la création de cet empire Hutu déjà révélé par Bigabiro dans une chronique antérieure publiée le 20.08.2022.

« Afin de préparer un projet de « libération du peuple Hutu du Burundi »,(sic) une réunion aurait été organisée vendredi 15 avril 22 par le Général Marius Ngendabanka au Bureau du G2 de la Force de Défense Nationale du Burundi (FDNB). Ce service est chargé du renseignement à l’État-major de l’armée burundaise.

A cette rencontre participaient deux Généraux Mayi-Mayi, Kijangala et Gapapa. Par contre, le Général Shyaka Nyamusaraba, Tutsi Munya Mulenge n’y aurait pas participé. La réunion devait porter sur la planification du déploiement des contingents burundais au Sud-Kivu.

Cependant, les participants ont débattu d’un projet d’Empire Hutu dont Bujumbura serait la capitale à l’avenir. Cet Empire Hutu aurait pour objectif de combattre et anéantir le supposé Empire Hima qui regrouperait l’Ouganda et le Rwanda. »

Les Burundais connaissent très mal le FDLR et ne comprennent pas la pertinence de l’alliance FDD-LR mentionnée plus haut. En réalité, peu de citoyens burundais savent que le FDLR constitue une organisation puissante politiquement et économiquement.

Pour aider nos compatriotes à mieux comprendre la base idéologique de cette rébellion et aussi sa force économique et son implantation dans plusieurs pays en Afrique et en Europe, notamment, la troisième partie de la série de Bigabiro consacrée à la « Déca-dance des Institutions de l’État » au Burundi présentera une synthèse d’un livre de 577 pages très riche en révélations.

Cet ouvrage est intitulé « Les FDLR, histoire d’une milice rwandaise : des forêts du Kivu aux tribunaux de l’Allemagne ».

Ce livre impressionnant a été écrit par trois auteurs : Dominic Johnson, Simone Schlindwein et Bianca Schmolze. Sa version allemande a été publiée en 2016 par Christoph Links Verlag à Berlin en Allemagne. Et sa version française a été publiée en 2019 avec le soutien financier de SSU, Unité de Stabilisation de la MONUSCO. Dans son premier paragraphe, l’introduction de ce livre magistral constitue déjà une entrée en matière saisissante.

« Ce livre est le fruit d’un long travail de recherche à plusieurs dimensions autour d’un phénomène qui ensanglante l’Afrique des Grands Lacs depuis des décennies : la guerre de la milice rwandaise FDLR (Forces Démocratiques de Libération du Rwanda) à l’est de la République Démocratique du Congo, et la haine viscérale du « pouvoir tutsi » rwandais qui a motivé leur lutte armée.

L’idée, introduite en Afrique par les colons européens et ensuite reprise et développée par une frange de l’opinion rwandaise, selon laquelle la présence tutsi au Rwanda serait une présence d’occupation étrangère et que donc seul un Rwanda débarrassé de ses Tutsi serait un Rwanda libre, a été parmi les idéologies les plus néfastes et les plus générateurs de conflits de l’Afrique. Elle se trouve à la racine à la fois du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994 ainsi que d’une partie importante des conflits armés qui secouent la RDC jusqu’à présent. »
L’introduction du livre poursuit.

« Le procès de Feu Ignace Murwanashyaka et Straton Musoni,respectivement président et premier vice-président des FDLR à l’époque, devant la Cour Régionale de Stuttgart en Allemagne entre mai 2011 et septembre 2015 n’a pas seulement permis de faire la lumière sur un certain nombre des crimes précis ; il a aussi, par le travail d’enquête judiciaire et par la présentation exhaustive de preuves devant la Cour, mis sur la place publique toute la documentation et la communication interne des FDLR, un véritable trésor de recherche qui permet à comprendre le fonctionnement et la motivation de ce groupe armé de façon spectaculaire. »

Par Athanase Karayenga
Biganiro Newsletter