Burundi-RDC:Les “euzébiens” de nouveau au Burundi

Rapatriés de force depuis la RDC le lundi 16 mars, les adeptes de la secte d’Euzébie sont arrivés ce mercredi à Bujumbura, regrettant de quitter leur « terre promise ».

Ils sont plus de 1600 personnes à être accueillis par les autorités burundaises ce mercredi 18 mars, en majorité des femmes –voilées en blanc- et des enfants. En situation irrégulière, ils s’étaient cherché eux-mêmes un lieu d’asile dans le quartier Vert de la ville de Goma sans aucune assistance du HCR. Retrouvés la semaine dernière, leur présence a alors inquiété la population locale qui a alerté les autorités. Le gouvernement du Nord Kivu a décidé alors de les refouler au Sud Kivu par où ils étaient entrés.

« Ces adeptes étaient en effet sujets d’inquiétude parce que non seulement ils n’avaient aucun papier légal, mais également ils ont refusé toute identification et considéraient le Congo comme leur terre promise », dixit Carly Nzanzu Kasivita, gouverneur du Nord Kivu, reporté par Opera News.

Certains de ces exilés disaient avoir fui le Burundi pour « insécurité politique causée par les imbonerakure, la jeunesse du parti au pouvoir ». Pour d’autres, c’est pour « des raisons socio-économiques et religieuses », après que certains d’entre eux avaient été tués par des policiers burundais. Leur secte ayant été prohibée dans le pays, ils avaient voulu en fait faire un bras de fer avec le gouvernement.

Accueil au Burundi

Côté burundais, c’est plutôt une « joie » de les accueillir. Au moins trois autorités se sont déplacés à l’occasion : Nestor Bimenyimana, Directeur Général en charge du Rapatriement, Nadine Gacuti, Gouverneur de la Province Bujumbura, et le Commissaire de Police Jimmy Hatungimana, Directeur de la Direction Générale des Migrations (ex-PAFE). A la frontière, des camions policiers et militaires ont été apprêtés pour leur transport. Ils sont d’abord soumis au prélèvement de température (corona exige). « Certains veulent refuser, mais ils sont vite contraints à le faire », note un témoin sur place. En attendant le repas, on leur amène des fruits, du pain et des biscuits pour calmer la faim. « Ils préfèrent plutôt manger les fruits et refusent le pain et les biscuits », nous rapporte notre source. Pour Nestor B. relayé par Opera News, « ces retournés seront soumis à une rééducation à la culture burundaise et à un nouveau comportement ». Il a aussi indiqué que « leurs provinces et communes d’origine seront identifiées pour les y ramener ». En attendant, on n’a pas su où ils devraient être amenés, mais des informations non vérifiées parlaient de Rumonge.

Retour sur la secte

Considérée comme prophétesse par ses adeptes, Zebiya (Euzébie) Ngendakumana à l’origine de la secte est née en 1986 à Businde, dans la province de Kayanza. Au départ en bons termes avec l’Église catholique, les relations se détériorent à partir de 2012 et ses adeptes deviennent la cible des autorités burundaises. Disant recevoir des apparitions de la Vierge Marie le 12 de chaque mois, la prophétesse de Businde attire du monde derrière elle, et des fonctionnaires de Bujumbura la capitale n’hésitent pas d’abandonner leur travail pour la suivre. Les rassemblements de ses adeptes sont alors interdits par les autorités, mais les fidèles de « Zebiya » n’obtempèrent pas. Le 12 mars 2013, la police tire à bout portant sur ses fidèles, faisant 12 morts, d’après plusieurs sources. Près de 200 sont arrêtés, Euzébie entre en cavale, son sanctuaire de Businde est détruit, et ses fidèles commencent alors leur exode dans la région.

En 2015, ils se réfugient à Kamanyola, dans l’est de la RDC. Deux ans plus tard, la situation s’envenime avec les autorités congolaises, après leur refus d’enregistrement. De nouveaux affrontements avec les forces de l’ordre aboutissent à la mort de 37 personnes et le reste fuit au Rwanda. Là aussi, ils refusent de se soumettre à l’enregistrement biométrique – en raison de leur croyance religieuse –, et sont refoulés au Burundi. Ils entreront de nouveau au Congo par le Sud Kivu pour être démantelés la semaine dernière au Nord Kivu d’où ils viennent d’être renvoyés. Entre-temps, le feuilleton « Zebiya » semble ne pas être encore fini.