Burundi : Diaspora burundaise : quand le CNDD-FDD tente de s’imposer comme la seule voix des exilés, au mépris de leur diversité

La diaspora burundaise, éparpillée à travers le monde, est de plus en plus divisée. Alors que le CNDD-FDD, parti au pouvoir au Burundi, tente de s’imposer comme la voix unique de cette communauté, une grande partie des Burundais exilés rejette cette mainmise politique. Le régime est accusé d’instrumentaliser la diaspora pour renforcer son influence, tandis que des milliers de réfugiés attendent toujours une véritable réconciliation.

Contentieux non résolu de la crise de 2015 : un obstacle à l’unité de la diaspora

Avant de prétendre représenter la diaspora burundaise dans son ensemble, le CNDD-FDD doit faire face aux profondes divisions héritées de la crise de 2015. Des milliers de Burundais vivent encore en exil, répartis aux quatre coins du globe, en raison de la répression qui a suivi la contestation du troisième mandat de l’ancien président Pierre Nkurunziza. Aujourd’hui, ce contentieux non résolu reste une plaie ouverte pour une diaspora qui continue de réclamer justice et sécurité. Tant que cette crise politique ne sera pas définitivement apaisée, toute tentative de parler au nom de tous les Burundais exilés restera contestée et source de divisions.

Depuis plusieurs années, la diaspora burundaise s’est imposée comme un acteur clé dans les discussions sur l’avenir du pays. Cependant, cette communauté, diverse par ses origines et ses opinions, est aujourd’hui confrontée à une tentative d’homogénéisation de ses voix par le parti au pouvoir, le CNDD-FDD. Ce dernier cherche à imposer une représentation unique, marginalisant ainsi ceux qui rejettent ses politiques. Cette démarche suscite de vives critiques parmi les exilés, qui refusent d’être réduits à un simple instrument politique du régime.

Un contrôle de la narration par le pouvoir

Le gouvernement burundais, par le biais de ses ambassades et de ses représentants à l’étranger, multiplie les réunions "officielles" visant à fédérer la diaspora. Mais ces événements, sous couvert de dialogue inclusif, s’avèrent souvent être des espaces de promotion politique où l’adhésion au CNDD-FDD est quasi implicite.
"À chaque fois, tout semble tourné vers les intérêts du CNDD-FDD. Nous sommes traités comme si nous appartenions tous à cette mouvance politique, alors que la réalité de la diaspora est bien plus complexe", raconte J.M., un Burundais installé au Canada depuis une dizaine d’années.

Une diaspora plurielle, une voix monopolisée

L’un des plus grands problèmes de cette stratégie est l’amalgame entre la diaspora dans son ensemble et celle affiliée au CNDD-FDD. En réalité, la diaspora burundaise est bien plus diverse. Elle comprend des individus qui ont quitté le pays pour des raisons économiques, mais aussi de nombreux exilés politiques, particulièrement ceux ayant fui la répression de 2015. Beaucoup militent pour des causes progressistes, la défense des droits humains ou l’opposition au régime actuel.

"Il est inacceptable que notre voix soit accaparée par une minorité liée au pouvoir. Nos expériences, nos idées et nos visions pour le Burundi sont variées, et nous refusons d’être réduits à une seule représentation politique", s’indigne A.N., une activiste burundaise basée en Belgique.

Un enjeu de légitimité

En prétendant représenter l’ensemble de la diaspora burundaise, le CNDD-FDD espère légitimer ses actions et redorer son image sur la scène internationale. Mais cette démarche soulève des questions quant à la légitimité de cette appropriation. "Le Burundi ne se résume pas au CNDD-FDD", affirme C.N., un opposant burundais basé aux États-Unis. "Ceux qui nous ont poussés à l’exil n’ont aucune légitimité pour parler en notre nom."

Le poids de la crise de 2015

Si le CNDD-FDD souhaite vraiment compter sur l’appui significatif de la diaspora, il devra d’abord résoudre les séquelles de la crise de 2015, qui a forcé des milliers de Burundais à fuir le pays. Aujourd’hui encore, ces réfugiés vivent dispersés à travers le monde, espérant un retour en toute sécurité.
"Nous ne rentrerons pas tant que le régime ne nous garantira pas sécurité et justice", affirme J.B., réfugié en Tanzanie.

Pour beaucoup, le gouvernement doit entamer un véritable processus de réconciliation avant de prétendre réunir tous les Burundais de l’étranger sous une même bannière. Tant que ce contentieux de 2015 ne sera pas résolu, toute prétention à parler pour l’ensemble de la diaspora sera perçue comme illégitime.

Une "diaspora du CNDD-FDD", pas celle de tout le Burundi

Dans l’état actuel des choses, il serait plus honnête de parler de la "diaspora du CNDD-FDD" plutôt que de prétendre représenter l’ensemble des Burundais exilés. En tentant d’imposer une voix unique, le parti au pouvoir ignore la pluralité qui caractérise cette communauté. Cette confusion volontaire accentue les tensions au sein de la diaspora, particulièrement pour ceux qui rejettent la domination politique du régime.
"Nous devons préserver notre diversité et refuser toute instrumentalisation", conclut un membre de la diaspora en Europe. "Le Burundi appartient à tous les Burundais, et notre diaspora ne peut être monopolisée par une seule voix politique."

Un débat crucial pour l’avenir du Burundi

La fracture grandissante au sein de la diaspora burundaise pose une question fondamentale : comment permettre à cette communauté de s’exprimer sans être étouffée par une voix dominante ? L’idée d’une représentation unique semble inadaptée à une diaspora aussi plurielle. Des initiatives indépendantes, non affiliées à des partis politiques, pourraient offrir une plateforme plus inclusive et représentative de cette diversité.
Tant que la diaspora sera utilisée à des fins politiques, le débat sur sa représentation restera une question centrale pour la démocratie burundaise. Une diaspora unie et pluraliste pourrait jouer un rôle crucial dans l’avenir du Burundi, à condition que toutes ses voix soient entendues et respectées.

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